Logiciels libres et entreprises : réflexions post-réunion

LinuxSuite à une réunion organiser par l’association ubuntu-dijon à la CRCI sur les rapports entre les logiciels libres et les entreprises, je vous livre ici quelques réflexions que nous avons eu et ce que j’en retire.

Le discours à adopter pour la présentation des logiciels libres varie en fonction des types d’entreprises. Pour faire assez simple il faut au minimum trois catégories :

  • Les TPE de moins de 20 personnes , où le système informatique n’est pas immédiatement critique, se rapprochent des besoins des particuliers. Dans ce cas, les logiciels « génériques » sont suffisants sans adaptations pointues et le matériel informatique est hétérogène car il s’achète au fur et à mesure des besoins. Le support se fait soit par une personne de l’entreprise soit par le vendeur du matériel informatique.

  • Les autres entreprises qui ont des systèmes d’informations plus important. Ici, le parc de matériels est important et le plus homogène possible pour simplifier le support technique qui est (en partie) interne. Les logiciels métiers sont adaptés à l’activité de l’entreprise et une panne peut rapidement avoir des conséquences graves. Des contrats de supports H+4 ou J+1 sont passés pour prévenir ces pannes au mieux.

  • Les administrations se classent à part car même si elles se rapprochent des grandes entreprises dans leurs besoins, la réflexion sur les licences logiciels et sur le format des données est plus avancée (et les équipes de développement en interne plus importantes).

Dans tous les cas, l’opposition libre/propriétaire n’est pas la première cause de changement à mettre en avant. En effet, les logiciels doivent répondre à des besoins. Ce sont ces besoins qu’il faut analyser en premier pour en déduire les solutions possibles qu’elles que soient leur licence. Ensuite viendra le choix en fonction des critères périphériques comme le coût d’acquisition, le support, la formation et pour finir le coût global. Il y a probablement des cas où les solutions libres seront opportunes et d’autres où les logiciels propriétaires auront leur place.

Le support contractualisé est un point cruciale pour les entreprises de la seconde catégorie. En cas de problème il faut savoir vers qui se retourner et en combien de temps on aura une réponse. Le support « communautaire » est de ce point de vue difficilement contractualisable, même si dans la plupart des cas il est efficace. De plus, pour la mise en place de la solution, il est toujours intéressant d’avoir un prestataire si on a choisi de ne pas faire de développement en interne. Bref, je décrit un support « classique » d’éditeurs ou de prestataires certifiés. Certaines solutions libres ont ce type de support et d’autres non, encore faut-il le faire savoir ! Dans notre région en particulier l’offre en support de logiciel libre est assez faible. Pour plus d’informations sur ce point vous pouvez consulter le site de l’ARIST : OpenTTT.

Les exemples d’utilisation réussie de solutions libres dans la région ne manquent pas. C’est probablement par ces exemples et par le « pourquoi » de cette utilisation que le message passera le mieux.

Nous avons aussi parlé du problème des données et de leurs formats. C’est ce domaine qui me touche le plus car j’attache beaucoup d’importance à l’information que j’entre dans un logiciel. S’il ne me paraît pas aberrant de payer pour utiliser un programme écrit par un tiers, j’ai plus de mal à accepter d’être enchaîné par un format de donnée, et donc par un logiciel ou un éditeur. Curieusement ce point a été peu abordé, probablement parce que tout le monde est maintenant conscient du problème et que même les plus « propriétaires » des programmes font (ou tentent de faire) normaliser leur format de données. Mais, moi je suis encore en plein dedans …

D’un point de vue plus personnel, cette rencontre à la CRCI a été vraiment sympathique car elle amorce une réflexion plus profonde pour amener les entreprises à mieux maîtriser leur informatique. Je regrette simplement le parti pris complètement anti-Microsoft qui me semble l’arbre qui cache la foret. Nous connaissons tous les parts de marché de la firme de Redmond, mais ce n’est pas leur réduction qui va décider un chef d’entreprise de passer aux logiciels libres. Je reste convaincu qu’il y a de la place pour le deux types de logiciels dans le monde actuel.

Pour conclure sur un ton un peu plus prospectif, quid des outils 2.0 actuels et plus généralement des applications comme services web ? Comment accéder aux sources et est-ce que cela a la même signification ? Pour plus de renseignements sur cette problématique vous pouvez jeter un œil sur la licence AFFERO ou dans wikipédia.

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0 commentaire pour “Logiciels libres et entreprises : réflexions post-réunion

  1. Merci Grégory pour ce compte rendu.
    Oui pour les usages, les témoignages d’entrepreneurs, d’artisans…. Je perçois et çà me rassure le côté « fermé » et « anti-microsoft » de certains, qui depuis des années desservent leur cause et c’est bien dommage.
    Mais franchement le libre avance, soyons accessible, vulgarisons, montrons des exemples et arrêtons les batailles de « pseudo spécialistes ».
    Y a encore du boulot, mais c’est intéressant.

  2. Juriste de formation, j’ai rédigé mon mémoire de fin d’étude (Droit de la propriété intellectuelle – inédit) sur les licences de logiciels libres. Mon métier est de valoriser et de protéger l’innovation; je ne peux rester insensible à un phénomène d’une telle ampleur.

    Les logiciels libres sont fascinants, car ce sont des outils qui utilisent les droits de la propriété intellectuelle dans leur but premier, à savoir diffuser le plus largement possible l’innovation.

    Les licences de logiciels libres sont des contrats par nature, par lesquels les auteurs ou les éditeurs accordent à leurs partenaires ou à des tiers le droit de pouvoir utiliser leurs programmes. Généralement, les éditeurs et les auteurs de logiciels placés sous licences libres accordent quatre types de droits:
    – le droit de libre diffusion, c’est-à-dire de transmettre le logiciel et son code source à une autre personne (liberté 2);
    – le droit d’adaptation, au sens de modification du Code source initial (libertés 1 et 3);
    – le droit d’utilisation, qui consiste à bénéficier des fonctionnalités du programme (liberté 0);
    – le droit de reproduction, qui consiste à faire une copie du code source.

    Le modèle des logiciels libres est contractualisable car contractuel par essence: ce qui différencie les logiciels libres des logiciels propriétaires n’est pas leur langage de programmation, leur mode opératoire, le matériel sur lesquels ils fonctionnent… c’est bien la chaine de contrats dans laquelle ils se situent.

    Aujourd’hui, les entreprises qui prospèrent sur le modèle des logiciels libres:
    – peuvent obtenir des redevances de leurs licences: libre n’est pas synonyme de « gratuit »;
    – peuvent obtenir des ressources par les services associés aux logiciels: développement de fonctionnalités spécifiques, maintenance, implémentation, correction de bugs, etc.

    Il est donc possible de contractualiser les relations avec un éditeur de logiciel libre. Les questions critiques (correction de bug, disponibilité du système…) resteront dépendantes des moyens techniques et humains dont le prestataire dispose.

    Enfin, je ne partage pas totalement l’analyse de Grégory sur l’analyse des besoins présentés et les trois catégories d’entreprises décrites. Il me semble curieux que la taille de l’entreprise soit un critère. Par exemple, les besoins informatiques d’une SSII n’ont rien de commun avec les besoins informatiques d’un Cabinet d’avocats ou d’un laboratoire médical, même si chacune de ces structures emploient moins de 20 personnes. De même, les contraintes règlementaires professionnelles d’un Cabinet d’Avocats ou d’une petite banque nécessiteront des stratégies et des outils de sécurité plus puissants que ceux d’un audioprthésiste…

    Les besoins des TPE et des PME ne se rapprochent pas de ceux des particuliers, car l’informatique domestique a un autre usage. En cas de sinistre sur le hardware, par exemple, un particulier (hors libéral) perdra ses messages, ses photographies numériques, ses courriers, son carnet d’adresse, certaines licences. Un sinistre intervenant dans une entreprise, même de moins de 20 personnes, emporte des conséquences plus néfastes pour ses clients…

    Selon moi, les éditeurs de logiciels doivent adopter une « approche métier »: une analyse de qualité des besoins de leur clientèle suppose une bonne compréhension de leurs métiers, de leurs contraintes, de leurs obligations, et leur fonctionnement. La nature juridique de la licence (libre ou propriétaire) est alors relégué au second plan.

  3. Bonjour Matthieu et merci de toutes ces précisions. Je suis certain que ta formation de juriste précisément est un apport précieux dans ce domaine de la diffusion du logiciel libre. Je profite de tes commentaires pour faire avancer un peu le sujet.

    Sur la contractualisation d’abords qui est capitale à mes yeux. Je précise bien que c’est le modèle de support « communautaire » qui me semble difficilement contractualisable. Je ne doute pas de l’existence de contrats de support d’éditeurs de solutions libres (comme MYSQL) ou de la part de sociétés spécialisées, les SS2L (sociétés de service en logiciels libres). Encore faut-il faire connaitre ces types de supports.

    Entre nous, je suis tout à fait d’accord avec toi quand tu écris « une analyse de qualité des besoins de leur clientèle suppose une bonne compréhension de leurs métiers, de leurs contraintes, de leurs obligations, et leur fonctionnement. La nature juridique de la licence (libre ou propriétaire) est alors relégué au second plan». Je ne pense toujours pas que la nature de la licence soit un argument de vente dans la majorité des cas. Comme Agathe nous le disais dans la réunion organisée par Ubuntu-Dijon, je précisais moi aussi à mes clients (au temps où j’étais consultant) les avantages de mon travail avec des outils exclusivement libres : ils n’étaient pas liés à ma personne pour continuer à développer les fruits de notre travail. Je me faisais un point d’honneur en effet à remettre les sources de mes travaux ainsi que les documentations reliées. Avec le temps et le recul, je me dis que devoir préciser ça à mes clients sans qu’ils ne me demandent rien traduit le peu d’intérêt (au pire) ou d’informations (au mieux) qu’ils ont sur le sujet. Aujourd’hui, je suis plutôt dans la peau du client et je m’intéresse moins à la licence d’utilisation, du moment qu’elle est en adéquation avec les besoins que j’exprime, qu’à la couverture fonctionnelle du produit et à la distribution des rôles dans la maintenance (qui installe, qui utilise, qui maitrise le fonctionnelle, qui maitrise le technique, qui intervient en cas de problème et sous quels délais, etc.)

    Pour revenir également sur la classification en taille par rapport aux besoins informatiques, je reste très prudent ! Mon expérience m’a montré que les TPE, n’ayant pas de valeurs critiques immédiatement visibles sur leurs données informatiques et n’ayant pas de compétences particulières en informatique utilisent l’informatique comme les particuliers. Les besoins ne sont pas définis comme chez le quidam et il peut donc arriver ce qui arrive chez tout le monde. Je me souviens encore de ce chef d’entreprise (3 personnes, très technologique) qui n’avait qu’un ordinateur portable pour l’ensemble de son travail sur 5 ans. Le jour où il est venu me voir parce que son disque dur était HS, nous avons tous les deux vus la vie ou la mort de son entreprise ! C’était notre jour de chance puisque nous avons pu reconstituer la plupart des fichiers, mais cela m’a soumis à une sacrée tension.

    Les entreprises soumises à des contraintes réglementaires (conservations des données ou confidentialité par exemple) ont une autre approche puisque, quelle que soit leur taille, elles intègrent ces contraintes à leur informatique. Dans bien des cas elles vont acheter une solution « clés en mains » sans pour autant la tester, mais elles l’auront.

    Pour conclure, je reste convaincu que de nos jours le point important pour l’adoption de solutions libres en particulier et pour la maitrise de son « système d’information » en générale est la présence au sein de la structure d’un pole de développement, même une seule personne avec des compétences embryonnaires. La taille de l’entreprise n’est plus un critère. C’est la prise de conscience de la valeur du système d’information lui-même qui mène vers la maitrise et une « certaine » indépendance.

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