Arrêtons enfin d’opposer les vies numériques professionnelles et personnelles

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Je pensais naïvement que le débat était clos depuis un ou deux ans au moins, à la suite des multiples modifications des paramètres de (pseudo) confidentialité du grand réseau Facebook. Et bien non, je continue à voir des présentations qui expliquent comment séparer « vie professionnel » et « vie personnelle » sur le web. Les comptes « pro » sont toujours bien présents et donnent toujours l’illusion à leurs utilisateurs de maîtriser leur image numérique … Enfin, jusqu’à la prise de conscience, souvent douloureuse, qui les ramènent à la réalité.

Désolé de vous décevoir mais il n’y a pas de vie privée en ligne dans 99,9% des cas. Le 0,1% restant se compose de personnes ayant de vraies et fortes connaissances et compétences techniques qui leur permettent de mettre en place des stratégies d’anonymisation. Pourquoi ? Basiquement parce que « publier » veut dire « rendre publique » et donc perdre le contrôle de l’information. Point final. Les outils qui vous disent le contraire vous mentent et les experts qui vous expliquent la mise en place d’un compte « pro » pour protéger votre vie privée (présente sur un autre compte) vous induisent en erreur.

Posez-vous simplement quelques questions de bon sens : Qui a le contrôle des outils que vous utilisez et qui en fixe les règles de confidentialité ? Comment les gens présents dans vos réseaux utilisent-ils les informations que vous publiez et en avez-vous le contrôle ? Si une personne dans un de vos réseaux décident de publier une « ressource » (photos, texte, lien, tag, etc.) sur vous que pouvez-vous faire ? Rien ! Oui même une image sur Snapchat peut être copiée !

Et encore je ne vous parle pas de la gestion des différents comptes où vous devrez éviter les erreurs de publications ou expliquer à une personne que ceci est votre compte « pro », ceci votre « perso », ceci celui liée à une association, etc.

La distinction professionnelle/personnelle est morte avec le développement des réseaux sociaux. Elle est remplacée aujourd’hui par la limite publique/privée, avec une partie privée qui ne peut (ne doit) donc pas être « publier ». J’ai eu l’occasion d’aller un peu plus loin sur ce sujet au cours d’un MOOC sur l’identité numérique « Digital artefact for E-learning and Digital Cultures on Coursera » où j’introduis un plus une composante « secrète ».

Dans ces conditions, quelle stratégie adoptée pour être présent en ligne ? La plus simple, à mon avis, est celle de l’honnêteté (et pas de la transparence). On construit alors un seul profil par réseau que l’on alimente en fonction de ce que l’on veut dire. Les nuances étant alors liées au réseau utilisé et non à plusieurs profils : On peut être plus professionnel sur Linkedin, plus cool sur Facebook, plus artiste sur Instagram, etc.

Et par pitié oubliez, les incantations du type « ces propos n’engagent que moi » … Nous savons tous que c’est juste une forme d’hypocrisie écrite. « Que moi » c’est « moi » dans toutes ses dimensions. Attention, cela ne veut pas dire que vous parler obligatoirement au nom d’une entité quelconque, mais simplement que les contradictions dans les messages ou les valeurs seront visibles au grand jour … vous devrez faire avec.

Dans cette optique c’est la réflexion qui guide la publication. Nous sommes dans une sorte de personal branding. Il faut cependant garder à l’esprit la notion de circonstance : ceci est bien pour moi « maintenant », mais le pour le Net « maintenant » c’est toujours !

Au fait, ces propos n’engagent que moi … 😉

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5 commentaires pour “Arrêtons enfin d’opposer les vies numériques professionnelles et personnelles

  1. Sur les questions d’identité(s) numérique(s), je recommande la lecture de « La Condition Numétique », de Jean-François Fogel et Bruno Patino (ed. Grasset), et notamment le Chapitre 2. Ces auteurs expliquent comment l’identité de l’Internaute est devenue éclatée, fragmentée, diffuse…

    Courte citation pour vous mettre l’eau à la bouche: « Depuis 2007, un internaute est dépassé par son ombre numérique. Autrement dit: la majorité des données stockées sur Internet qui le concernent n’ont pas été produites par lui de façon volontaire. Ses messages, ses photos et vidéos, ses écrit sur son blog, ses contributions sur les forums de consommateurs, ses requêtes aux moteurs de recherche, ses commentaires, ses références transmises aux sites de rencontres ou d’achats et ses contrbutions aux rédeaux sociaux ne forment que la production artisanale, forcément limitée, d’un individu. Cela pèse moins que les données produites par les systèmes qui enregistrent et analysent ses visites sur les sites, son usage des applications, le contenu de ses messages, ses interactions, sans oublier le recensement de ses mouvements dans le monde physique réalisé par les caisses enregistreuses des magasins, les caméras de surveillance, les résaux de téléphonie mobile ou les systèmes informatiques des entreprises ».

    La difficulté est alors de bâtir son identité numérique, de discriminer entre les informations que l’individu souhaite publier et celles qui relèvent de son for intérieur. Dans la tension entre vie privée et vie publiée, le rapport de force est inégalitaire. Le caractère intrusif des systèmes est croissant.  La problématique de l’internaute n’est pas: « qu’est-ce que j’accepte de rendre public ? », puisque les publications personnelles ou professionnelles relèvent de ses propres choix (LinkedIn pour les aspects professionnels, Facebook pour la vie familiale et amicale…), ni même le croisement de ces informations: la personne qui consulte mon compte LinkedIn peut également accéder à certaines informations sur Facebook (nous n’en sommes pas dupes). La problématique de l’Internaute serait davantage: « Quelles analyses des systèmes d’information sur moi seront rendues publiques sans que j’y consente ? » « Qu’est-ce que les autres publient sur moi sans mon autorisation? ».

    Les réponses à ces questions sont à la croisée des chemins entre le droit à la vie privée (art 9 du Code civil) et le droit à l’image.

    Je pense donc que le droit à la vie privée n’est pas mort, mais au contraire connaît une nouvelle vigueur à travers les usages des outils numériques. 

    Matthieu DESRUMAUX

  2. Merci pour ton éclairage https://www.facebook.com/matthieu.desrumaux. Mon article se limite volontairement à la « production » de l’internaute. Il s’agit plus d’aider à prendre conscience de la diffusion de ses « traces numériques ». Le fait de produire un statut Facebook par exemple et de le voir se répandre est plus simple à comprendre pour les utilisateurs lambda. La partie des données produites « sur toi » et non « par toi » est clairement le soucis aujourd’hui mais c’est encore plus complexe à faire comprendre. J’ai lu un article récemment sur les technique de des-anonymisation des bases de données en croisant plusieurs bases. C’est absolument délirant.
    Je suis comme toi et pense que la vie privée n’est pas morte, mais elle évolue et ne colle plus à la section 20ème siècle pro/perso. J’ai un peu peur qu’elle aille plutôt vers de la dissimulation en ce moment (en tout cas c’est la stratégie de plein de « jeunes » que je rencontre). C’est inquiétant pour moi.

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