Organiser un événement complètement « virtuel » : petit retour d’expérience

J’ai eu la chance de participer ces dernières semaines à l’organisation de deux événements à distance de grande ampleur (pour moi en tout cas) : Le premier barcamp Covid 19 / Résilience (un peu plus de 100 personnes sur base Zoom) et le Laval Virtual World (un peu plus de 11000 inscrits et 2500 personnes en simultané sur la base de la plateforme Virbela). Dans les deux, ils s’agit bien d’un événement, ayant un programme et un déroulé, et non pas d’une simple rencontre, comme une conférence.

Je vous propose dans la suite de ce article un petit retour d’expérience, partial et partiel, sur ces organisations un peu particulières, du point de vue d’une personne dont l’évènementiel n’est pas le métier. Vous m’excuserez donc les termes inappropriés et les nombreux oublis. De plus ces actions ont été collectives et je ne peux vous donner que mon propre point de vue. Quelques source sont disponibles en fin d’articles pour en découvrir d’autres.

Avant tout

Commençons pas enfoncer quelques portes ouvertes … Oui, il est possible d’organiser des grands événements en ligne, avec plusieurs milliers de personnes simultanées. Ce n’est même pas une nouveauté puisque le concept de salon virtuel existe depuis des années, de même que les jeux massivement multi-joueurs ou les mondes virtuels.

Second Life en 2003

Est-ce que l’époque actuelle présente des spécificités ? oui, sans aucun doute. Evidemment, la période de confinement due à la pandémie de COVID19 oblige la plupart d’entre nous à utiliser des outils d’interactions à distance. La compétences numérique augmente globalement et cela lève un certain nombre de freins. De plus, les offres en logiciels et en matériels sont de plus en plus nombreuses depuis quelques années. Les outils immersifs comme les casques par exemple, s’ils ne sont pas présents dans tous les foyers, ne sont plus des attractions et une partie non négligeable de la population les a déjà testé.

Est-ce une mode pour répondre à la situation actuelle ? non, probablement pas. Même si le secteur des salons professionnels connaît une évolution plutôt positive de son chiffre d’affaire (avant 2020 bien entendu), la multiplication des événements et les considérations écologiques sont de plus en plus présents. Il est probable que les entreprises seront beaucoup plus sélectives sur les déplacements physiques de leur salariés dans les prochaines années.

1ère étape : Le choix de l’outil

La première étape va être une des plus engageantes, il s’agit de choisir le bon outil technique comme support de l’événement. En général, il y en a qu’un, ou du moins un seul visible des participants. Cela évite les risques de confusion. Deux contraintes doivent guider ce choix : la connaissance de vos participants et le type d’événement à organiser. Cela tombe bien, vous avez toutes les informations (normalement).

Soyons clair, il n’y a pas d’outil aujourd’hui qui soit simple et qui ait toutes les fonctionnalités imaginables. Comme dans mon article sur la webconférence, c’est en ayant bien conscience des capacités de vos visiteurs (et de leur attentes) que vous devez choisir votre outil. Comment sont-ils équipés ? Quelles sont leur compétences techniques pour installer des logiciels ? Sont-ils ou sont-elles à l’aide avec le numérique ? Si vous ciblez les professionnels des technologies immersives, vous pouvez vous attendre à ce qu’ils et elles soient équipées d’ordinateurs puissants, de matériels adaptés comme des casques de réalité virtuel et aient l’habitude de tester des solutions. Aucun problème alors pour choisir des outils complément immersifs comme AltspaceVR, VRtchat, Second Life ou Engage.

Si vous cibler des professionnels de certains métiers qui n’ont pas le numérique au cœur de leurs pratiques de tous les jours, le choix peut se porter faire des outils moins immersifs, plus proche de la webconférence. Si vous cibler du grand public, le choix est plus complexe … peut être vous faudra-t-il envisager de segmenter votre évènement et proposer des outils allant du site web dédié au monde immersif en passant par des webconferences. Dans tous les cas, n’hésitez pas à questionner un échantillon de contacts. Cette partie est importante car vous pourrez difficilement vous asseoir sur les contraintes de vos utilisateurs (sauf à redéfinir vos objectifs évidemment). Un autre conseil simple, jetez un oeil sur la couverture Internet de votre zone de chalandise ou sur des études ciblant la connectivité de votre population cible. En cas d’incohérence, réfléchissez …

Les zones d’échanges informelles sont importantes dans un événement physique pour faciliter la rencontre et la discussion. Zones de circulation, couloirs, coins repas ou café, tout ces endroits ne sont pas présents dans un événement en ligne sauf si vous les prévoyez et que vous expliquiez le plus simplement du monde leur fonctionnement. Ne les négligez pas ! Le plus efficace est de ne pas leur donner de fonction mais plutôt de les mettre librement à disposition des visiteurs. Vous serez probablement surpris de l’inventivité des personnes et cela vous donnera d’excellentes idées pour votre prochaine organisation.

L’autre face du choix est liée au type d’évènement que vous organisez. Cela comprend à la fois les services fournis aux utilisateurs et le modèle économique. On peut presque tout faire « virtuellement » aujourd’hui : visites de stands, démonstrations de produits, conférences, tables rondes, ateliers collaboratifs, business meeting, présentation de posters scientifiques, zone de détente, jeux, animations, etc.

Posez-vous la question de la captation de votre événement et de sa retransmission en direct ou en différé (sur votre site Internet, sur les réseaux sociaux, sur les plateforme de vidéos comme Youtube ou Twitch, etc.) et vérifier que l’outil est compatible.

Malheureusement, comme je l’ai déjà précisé, aucun outil n’est parfait pour tout. Il va donc vous falloir prioriser les services, tester les outils et très probablement faire des choix douloureux dans vos fonctionnalités. Dans cette partie, vous aurez également à prendre en compte le temps dont vous disposez et le budget.

Laval Vitual World 2020

Dans le cas de Laval Virtual, l’équipe organisatrice a choisi de donner la priorité aux programmes de conférences professionnelles tout en ciblant la population habituelle du salon : des professionnels de divers domaines, sans connaissance particulières des technologies immersives mais ayant une curiosité à découvrir des usages et à en apprendre plus. L’équipe voulait également préserver l’aspect convivial du salon, où les gens sont présents pour faire des contacts, se retrouver, discuter. Impossible donc de proposer une simple série de webinar, mais impossible également d’utiliser une outil trop compliqué à installer et à utiliser ! L’équipe à donc tester les solutions existantes pour trouver un compromis chez Virbela. Encore une fois, ce n’est pas la meilleure solution actuelle pour monter des évènements en ligne, c’est la plus adaptée aux contraintes spécifiques de Laval Virtual.

Barcamp Covid-19 Resilience

Pour le barcamp Covid 19 / Résilience l’objectif était d’être le plus accessible possible tout en suivant le déroulé particulier de ce genre d’événement. L’interaction est particulièrement importante entre les participants qui doivent commencer à co-construire le programme ! Autre contrainte, le budget total d’à-peu-près … rien du tout 🙂 Le choix c’est porté donc sur des salle de réunions en webconférence créés sur zoom.us, et des documents collaboratifs venant de Framapad pour créer le programme et les comptes rendus. Le tout étant rassemblés sur une page unique de wiki qui permettait aux participants de naviguer le plus facilement possible entre les outils.

Voyons maintenant quelques petites pratiques qui facilitent la vie de l’organisateur.

Avant l’événement

Préparez le programme comme un événement classique avec des temps de « calage » entre les interventions, permettent d’anticiper des soucis techniques (5/10 minutes). Ces temps peuvent être absorbés par une discussion avec le public ou une série de Q&R (questions et réponses).

Il n’y a pas de talkies walkies virtuels, prévoyez donc un outil de communication entre les organisateurs, indépendant de la plateforme principale. Ce canal de discussion doit être instantané et, si besoin, pouvoir être organiser en différents groupes (techniques, helpdesk, modérateurs, etc.) Il existe de nombreuses solutions comme Discord, Slack, Whatapps ou des outils d’entreprise comme Teams. Evidemment, cet outil doit être accessible, en particulier si les organisateurs sont dans un monde immersive avec un casque.

Formez vos équipes à cet outil de communication. Le plus simple et de l’utiliser pour une partie de l’organisation. N’oubliez pas de bien distribuer les rôles : qui doit regarder où et faire quoi.

Immersion ? La question de l’immersion et plus précisément du bon niveau d’immersion à proposer à vos visiteurs est important. Sans revenir sur la définition du terme, on a tort de penser que l’immersion n’est possible que par la technologie. Les interactions et les animations, bref les moments où le visiteur est sollicité, sont des éléments forts d’immersion. C’est en particulier pour cela que, au delà dans la gestion des séquences actives comment les conférences, vous devez aussi vous préoccuper des trous du programmes, des breaks, des pauses.

J’insiste beaucoup sur la notion de rôle des personnes, en particulier dans l’organisation, car il est très simple dans un environnement complètement numérique de faire les choses en double, avant ou même pendant l’événement. C’est au mieux une perte de temps …

Faites attention au décalage horaire si vos intervenants sont internationaux !

Préparez l’équipe d’organisation sur l’outil choisi suffisamment à l’avance. Ces membres seront des « experts » aux yeux de tous et devront apporter des conseils. Si vous travaillez avec des « extérieurs » (prestataires, volontaires, etc.) intégrez-les en amont à la préparation de votre équipe.

Le Gourou de la tech
Ralf, le gourou de la tech n’a pas besoin de préparation, il surfe sur les vagues du réseau !

Faites former les intervenants de votre événement à l’outil par votre équipe (ou une partie). Insistez s’il le faut sur la nécessité absolue de faire des tests ! Ne croyez pas ceux qui vous disent s’y connaitre (oui, bon, si, peut-être, certains…) surtout si l’accès à l’outil demande une installation spécifique.

Soyez aussi précis que possible sur le déroulé des interventions et l’environnement. Il est probable que vos intervenants soient familiers avec la webconference mais moins avec un outil plus immersif. Expliquez en détail la manière d’intervenir, de répondre aux questions, d’échanger avec les participants. Précisez également le rôle des personnes qui seront là en soutient.

Portez une attention toute particulière aux intervenants « indirects », ceux qui passent par un secrétaire, un agent ou un intermédiaire quelconque. Ils doivent comprendre qu’il ne seront pas devant un pupitre 🙂

Etrangement la première loi de l’événementiel semble être que les intervenants ne lisent pas les mails reçus … et en particulier ceux concernant les contraintes techniques de leur intervention. Dans une salle, on arrive toujours à trouver in extremis le connecteur bidule-truc qui va bien, dans un événement en ligne c’est souvent plus dur car c’est l’intervenant lui-même qui doit résoudre la question …

Rappelez les principes de bases de la visioconférence à tout le monde. Le son en particulier est un élément capital. L’équipement de vos intervenants et de votre équipe doit être adapté. Si vous voulez être dur(e), obligez tous les intervenants à utiliser un micro-casque et validez le résultat sonore avec aux !

En cas de diffusion ou de captation de l’événement, validez techniquement toutes les étapes, y compris les besoin en débit Internet. Il y a souvent un bonne partie de bricolage à cette étape, vérifier que tout est bien documenté ou séquestrez celui ou celle « qui sait ».

Utilisez si besoin le mode playback ! Si un intervenant n’est pas à l’aise, vous pouvez lui proposer d’enregistrer son intervention pour la rejouer au cours de l’événement. Il pourra toujours répondre aux questions « en live » à la fin.

Vous pouvez également enregistrer quelques interventions « de secours » destinés à comblez des trous imprévus dans votre planning. Ces ressources pourront toujours être mises en valeur dans votre communication post-événement.

Testez, testez et retestez pour maîtriser l’outil de la manière la plus naturelle possible. Il va se passer tellement de chose imprévues qu’il ne faut pas être limité par une gêne quelconque. Dans 10 ans, quand vous serons tous familier de ces outils, vous pourrez oublier cette règle 🙂

Pour l’équipe organisatrice, doublez systématiquement les outils de connexion : un ordinateur tombe en panne et une connexion internet se coupe (oui, toujours au plus mauvais moment…)

Pendant l’événement

Vos visiteurs ne doivent pas se perde
Vos visiteurs ne doivent pas se perde

Positionnez le plus visiblement possible une équipe chargée de l’orientation et des problèmes « techniques » comme dans un événement classique 😀 Les visiteurs doivent savoir comment se renseigner facilement sinon ils partent aussi vite qu’ils sont venus ! Ils doivent être à « un click » de cet aide, que ce soit par tchat, par un bouton ou tout autre moyen.

Les autres membres de votre équipe qui ne sont pas en charge de ces questions doivent savoir comment renvoyer les demandes des visiteurs vers eux, de la manière la plus rapide et la plus fluide possible.

Dans un évènement physique vos intervenants ou vous-même ne pouvaient pas disparaître, dans un événement virtuel c’est possible … Prévoyez donc deux organisateurs/modérateurs par intervention et prévenez les spectateurs qu’une interruption est possible.

Répartissez les deux rôles précédents des animateurs : un est plutôt en charge de la forme (il gère la salle, le tchat, les perturbateurs, etc.) et l’autre du fond (il gère les intervenants et leur problèmes, les enchainements, il comble les trous, etc.) mais ils peuvent assurer également l’autre rôle si besoin.

Avant chaque intervention, rappelez les règles : peut-on intervenir ? comment ? Comment posez des questions ? Quand ? Faut-il couper son micro ? N’oubliez pas que certains outils vous permettent d’imposer des situation (interdiction de bouger, de se lever, de parler), précisez ces points.

Prévoyez une gestion des perturbateurs et soyez ferme. Dans un réunion physique, l’animateur peut compter sur les autres participants pour gérer ce type de profil, en virtuel c’est plus compliqué et cela va fortement pénaliser tout le monde. Les règles ayant été posées en début de session, il est parfois nécessaire d’expulser. En fonction du nombre de personnes et du type de public, estimez le bon nombre de modérateur assurant ce rôle.

Garder quelques animateurs volants qui vont pouvoir intervenir en fonction des demandes grâce à votre outil de communication dédié. Cela permet par exemple de rechercher / relancer un intervenant « perdu » sans pour autant déranger le déroulement d’une session.

Si votre événement est diffusé en live, assurez-vous que les interactions sur la plateforme de diffusion sont prises en compte. Si vous voulez une interaction maximale (en permettant les remarques et les questions par exemple), assurez-vous que le lien existe entre les animateurs de ces plateformes et ceux de l’intervention.

Respectez les horaires ! Contrairement à un événement physique où les personnes sont en général présentes sur des périodes plutôt larges, dans un environnement virtuel elles viennent souvent pour une intervention particulière. Vos intervenants peuvent également avoir d’autres engagements. Ne changez pas le programme même si un intervenant est absent ou un autre en avance. J’ai fait l’erreur …

Il n’y a pas de moyen simple de “sentir” le public, ce qui est particulièrement déconcertant pour un animateur. Il est donc nécessaire de s’appuyer sur toutes les possibilités : un chat, des partages avec un hashtag donnée, des périodes d’interactions du public, etc.  Évidemment, cela implique une multitude d’actions de la part de l’animateur, à mener de manière synchrone. On peut évidemment lui apporter un soutien avec une équipe qui gère et filtre ces canaux de communication.

Notez et faites noter tous les dysfonctionnements, qu’ils soient techniques ou organisationnels. Il vous serviront à améliorer l’outil et à préparer votre prochaine action !

Après l’événement

La gestion du post-événement n’est pas très différente de celle d’un événement classique à quelques détails prets.

Si vous avez notez des problèmes techniques sur votre outil ou des fonctionnalités qui pourraient être améliorées, faites les remonter à l’éditeur. Le témoignage utilisateur est un bien précieux !

Vous avez enregistré les différentes interventions et vous voulez les mettre à disposition de futurs spectateurs ? Prenez le temps de les monter un minimum, en particulier en supprimant les moments morts au début et à la fin. Est-ce que les 5 premières minutes où les intervenants se demandent si on les entend sont vraiment intéressantes ? non !

Faites comme cet article, décrivez votre expérience ! Nous sommes dans une période particulièrement intéressantes, partagez !

Quelques sources utiles

Leading Innovation ++ on the Field ++ with a Purpose | #AugmentedReality #Industry #DataScience #AI #CultivatedMeat #FutureOfFood | PhD Astrophysics
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3 commentaires pour “Organiser un événement complètement « virtuel » : petit retour d’expérience

  1. Grégory ,
    Très utile et très didactique.
    Je pensais à des événements comme Santexpo qui n’a pu se tenir à Paris cette année ou HIMSS qui s’est tenu virtuellement aux US et en Europe.
    La notion de continuité après conférence est intéressante mais un vrai challenge pour des événements annuels.
    Bonne soirée
    JF

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